40 ans du Renault Espace : retour sur les monospaces
En juin 1984, Renault innovait en lançant en collaboration avec Matra un véhicule inédit et original : l’Espace. Le succès démarrera tardivement pour cette voiture qui bousculait les codes puisqu’elle mettait l’accent sur le plaisir à voyager ensemble et la modularité et non plus sur la technique et la performance.
Un Nouveau Concept : Le Monospace au Service du Voyage
Matra porta ce projet, inspiré par les tendances observées outre-Atlantique où le public cherchait des véhicules de plus orientés vers les loisirs et moins vers la performance. La crise pétrolière et la hausse du coût de l’énergie étaient passées tout comme une prise de conscience en matière de sécurité routière. Ainsi et au cours des années 1970, de nombreux indépendants commencèrent à aménager des fourgons, vans en anglais, pour les rendre polyvalents. Matra avait déjà lancé en 1977 une voiture à la croisée des chemins, la Rancho, véritable ancêtre des crossovers et SUV actuels avec une base technique de berline et un habitacle spacieux et agréable à vivre. Fort de ces observations et de son expertise, Matra proposa son projet de monospace aux différentes marques du groupe PSA, Talbot, Peugeot puis Citroën sans réussir à convaincre les personnes rencontrées. Le petit constructeur de Romorantin ne se découragea pas pour autant et alla présenter son projet aux responsables de Renault où il trouva des oreilles plus attentives et des gens vraiment intéressés par le concept. Pour Renault, la prise de risque était limitée puisque les éléments techniques fournis à Matra étaient déjà éprouvés (mécaniques et trains roulants), tandis que la fabrication serait assurée par Matra. En revanche, le retour sur investissement pourrait se révéler très intéressant pour la marque en cas de succès, du point de vue économique mais aussi en termes d’image. En fait, Renault était LE constructeur pour un tel projet. Derrière son slogan des « voitures à vivre » des années 1980, la marque a toujours su innover en offrant des véhicules pratiques, sympathiques et fonctionnels tels que les R4 en 1961, puis R16 en 1965 et R5 en 1972. Dans la tradition des voitures françaises intelligentes, Renault se démarqua en concevant des carrosseries originales quant Citroën préférait miser sur des solutions techniques avant-gardistes.
La Réaction de la Concurrence : L’Émergence des Monospaces
Après des débuts commerciaux difficiles, l’Espace finit par rencontrer un succès croissant allant jusqu’à dépasser les 40 000 exemplaires produits chaque année à partir de 1989, soit cinq ans après son lancement. Par conséquent, la concurrence se réveille en se mettant à développer des monospaces à ton tour. Enfin, ceci concerne surtout les marques européennes étant donné que les constructeurs américains et japonais ont proposé des monospaces dès le début des années 1980 avec la Nissan Prairie lancée en 1982, le Chrysler Voyager et le Mitsubishi Space Wagon en 1983. Pour contrer le Voyager en Amérique du Nord, le Chevrolet Astro et le Ford Aerostar arrivent dès 1985. Toyota réagit rapidement mais en offrant un véhicule, le Model F, qui reste dérivé d’un fourgon avant de dévoiler son premier vrai monospace en 1989. Aux cours des années 1990, c’est une déferlante de nouveautés chez presque toutes les marques : Mazda ; Citroën et Peugeot, alliés avec Fiat et Lancia ; Honda ; Volkswagen et Seat, associés avec Ford Europe ; Opel puis les coréens Kia et Hyundai à la fin de la décennie. Les marques premium restent toutefois à l’écart du mouvement à une exception. Ainsi, on ne trouve pas de monospaces chez Alfa Romeo, BMW, Jaguar, Lexus, Rover ou Volvo, tandis que Mercedes lance le Classe V en 1996, un monospace certes, mais qui reste proche d’un fourgon puisque décliné à partir du Vito.
La Stratégie de Renault : L’Avènement du Scénic
Pour préserver son avantage concurrentiel, Renault décide alors de descendre en gamme avec le Scénic à partir de 1996. C’est le début des monospaces compacts avec une offre et des ventes qui explosent au cours des années 2000. Notons qu’au Japon et plus généralement en Asie, les monospaces se déclinent dans toutes les tailles, de la plus petite avec les fameux kei-cars japonais, à la plus grande en servant de navettes pour les aéroports ou les hôtels de luxe à la place de berlines moins spacieuses pour les passagers. En 2004, Renault tente une nouvelle descente en gamme dans le segment des petites voitures en lançant la Modus. Mais ici, la marque au losange connaît l’échec. À la différence de la clientèle japonaise, où les problèmes liés à l’encombrement des véhicules sont plus présents, la clientèle européenne n’est pas séduite par un petit monospace lui préférant une petite berline à hayon type Clio ou 206.
Durant les années 2000, de nombreux SUV arrivent sur le marché qu’ils commencent à grignoter par le haut en prenant des parts de marchés aux grandes berlines, aux grands breaks et bien sûr aux grands monospaces parmi lesquels l’Espace. Néanmoins, les ventes de monospaces compacts continuent de bien se porter, un segment mené par la Renault Scénic et les Citroën Xsara puis C4 Picasso. Mercedes-Benz investit même la catégorie avec la Classe B lancée en 2005. Étrangement, Renault, qui a pourtant innové en lançant le segment des monospaces, ne réussit pas à prendre le virage des SUV tout comme les autres marques françaises, Citroën et Peugeot. Tandis que les marques allemandes, japonaises et coréennes réussissent à développer leur offre et à profiter de l’engouement pour les SUV, les constructeurs tricolores se contentent d’importer des SUV du Japon ou de Corée en les affublant de leurs logos, un choix guère payant, les clients préférant toujours l’original à la copie.
Le Crépuscule des Monospaces en Europe
Au cours de la seconde moitié des années 2010, le déclin des ventes de monospace se poursuit tout gabarit confondu. Les petits et grands monospaces disparaissent alors des catalogues de la plupart des marques sans être renouvelés, ou plutôt en cédant la place à un SUV à l’instar du Peugeot 5008 qui se transforme de monospaces en SUV lors du changement de génération survenu en 2016. Signe de ce retournement du marché, la 4e génération du mythique Renault Espace connaît une longue carrière de 12 ans, de 2002 à 2014, quand la première génération avait été remplacé au bout 7 ans (1984-1991), la deuxième et la troisième après, respectivement, 5 ans et 6 ans d’existence (1991-1996 et 1996-2002). L’Espace de 5e génération, introduit en 2014, s’oriente même vers le SUV en devenant un crossover et en perdant la plupart des aspects pratiques tant appréciés sur un monospace. Lancés tous deux en 2023, le nouvel Espace n’est désormais plus qu’un simple SUV, tandis que le Scénic s’est transformé en crossover électrique…
L‘Héritage du Renault Espace : Une Réflexion sur 40 Ans d’Innovation
Fermez le ban ! 40 ans après les débuts du Renault Espace, une voiture à l’origine même du mot monospace introduit dans le dictionnaire à la fin des années 1980, les monospaces sont devenus aussi rares en Europe que les coupés ou les cabriolets. Paradoxalement, les deux seuls monospaces européens à poursuivre leur carrière se trouvent chez BMW (Série 2 Active Tourer) et Mercedes (Classe B), deux marques premium qui ont pourtant tardé à investir ce segment. Désormais, on trouve encore de grands monospaces en Chine, aux États-Unis et au Japon. Ce dernier pays reste même un bastion pour ce type de carrosserie puisqu’on y trouve encore des monospaces de toute taille, dont plusieurs rencontrent encore de jolis succès commerciaux.
Bonne route :)
A suivre …
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