Une histoire tumultueuse : l’usine automobile de Poissy
Un site industriel a généralement deux destinées : soit une vie brève de quelques décennies entre l’inauguration et la fermeture du site, soit une existence pleine de rebondissements. Dans le premier cas, on trouve l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois, inaugurée en 1973 et fermée, 40 ans plus tard en 2013. Dans le second cas, nous avons l’usine Ford… mais non Simca… mais non Peugeot voire Opel, de Poissy.
Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
La naissance du site de Poissy
En 1938, Ford inaugure sa nouvelle usine de production automobile en France. Elle est située à Poissy, dans les Yvelines, au nord-ouest de Paris. Avant d’en arriver là, Ford a commencé à produire des voitures en France, des Ford T bien évidemment, à Bordeaux à partir de 1916. La société des Automobiles Ford France acquiert une nouvelle usine à Asnières où elle déménage sa production en 1925.
Cependant les ventes de Ford en France ne sont pas aussi florissantes qu’en Angleterre ou en Allemagne. Pour accroître la production et optimiser la rentabilité de sa filiale française, Ford décide alors de s’associer en 1934 avec le constructeur Mathis situé à Strasbourg pour produire dans son usine la Matford, une voiture jumelle de la Ford américaine V8-48.
Et le succès est au rendez-vous puisque les ventes de la Matford, unique voiture à moteur V8 fabriquée en France, se portent bien. Cette situation favorable crée pourtant certaines inquiétudes chez Maurice Dollfuss, le patron de Ford France. Ce dernier voit en effet la guerre arriver et décide d’établir un nouveau site à un endroit plus sûr que Strasbourg, trop proche de la frontière allemande à son goût.
Voilà comment Ford en vient à construire une nouvelle usine à Poissy dont l’exploitation démarre en 1939 mettant fin à l’association avec Mathis et donc à la Matford.
Les conséquences de la seconde guerre mondiale
Mais la seconde Guerre Mondiale ne se déroule pas comme la première : ce n’est pas une guerre de tranchée mais une « Blitzkrieg ». L’usine Ford se retrouve donc occupée par les allemands dès 1940 et sa production cesse. Ses équipements modernes font des envieux à tel point que le site failli être démantelé et transféré à Cologne en Allemagne. Dès la fin de la guerre et grâce au soutien de la maison-mère aux États-Unis, Ford relance la production de voitures haut de gamme à moteur V8 dans son usine de Poissy. À ce moment-là, ce genre de véhicule ne fait cependant plus recette à cause de lourdes taxes mises en place par l’État. En novembre 1954, Ford cède son usine de Poissy à Simca quelques semaines après la fermeture du salon de Paris où Ford venait de présenter son nouveau modèle : la Vedette. Cette dernière fait partie de la corbeille et va connaître une carrière commerciale sous la marque Simca.
Le développement du projet « SIMCA »
À partir de 1958, Simca réalise d’importants investissements pour y concentrer toute sa production automobile ce à quoi il parvient en 1961, année où le site de Nanterre voit sortir les dernières Simca pour mieux s’orienter sur des activités industrielles amont. Chrysler prend une participation majoritaire dans Simca en 1963. Le site de Poissy devient ainsi le fleuron de Chrysler en Europe au côté des usines anglaises et espagnoles. La production vole de record en record jusqu’en 1973, où plus d’un demi-million de voitures sortent de l’usine de Poissy. En 1978, Chrysler est contraint de céder ses activités européennes à Peugeot en raison des difficultés financières que le groupe américain connaît. À partir de 1979, les Chrysler-Simca deviennent des Talbot, une nouvelle marque qui se développe à partir de l’ancienne gamme existante.
En 1980, la crise économique consécutive au second choc pétrolier, combinée à un manque de confiance du public vis-à-vis de la marque Talbot, entraîne un déclin de la production malgré la sortie de nouveaux modèles tels que la petite Samba. En 1982, malmené par des grèves, l’avenir de l’usine est particulièrement sombre. Le site reste cependant compétitif et intéressant pour le groupe PSA qui décide d’y assembler les Peugeot 104 à partir de 1983 et 205 à partir de 1984. En 1985, le lancement de la nouvelle Peugeot 309 assure le développement du site qui fait alors l’objet d’importants investissements. En 1986, les dernières Talbot sortent de l’usine de Poissy.
Les 205 et 309 restent en production jusqu’en 1993 avant de céder la place à la Peugeot 306. En complément des usines Citroën d’Aulnay et de Rennes, Poissy assemble aussi des Citroën ZX au cours des années 1990. En 1999, la fabrication de la Peugeot 206 démarre. Le succès de la voiture est si important qu’en 2003, Poissy ne fabriquera qu’un seul modèle : la 206. La situation ne dure guère puisque la 1007 en 2004, puis la 207 en 2006, la Citroën C3 en 2009 et la DS3 en 2010 la rejoigne. En 2012, c’est au tour de la première génération de 208 d’être produite à Poissy. Entre 2019 et 2020, la fabrication des C3, DS3 et 208 est arrêtée pour être remplacée par celle des DS3 Crossback et des Opel/Vauxhall Mokka, une conséquence du rachat d’Opel par le groupe PSA en 2017.
En conclusion
De Ford à Opel, Poissy en a vu défiler des voitures en plus de 80 ans : des Ford, des Simca, des Chrysler-Simca, des Talbot, des Peugeot, des Citroën, des DS, des Opel et des Vauxhall. La fusion de PSA avec le groupe Fiat Chrysler Automobile en janvier 2021 rend possible l’arrivée de modèles d’autres marques à Poissy. Alors à qui le tour ? Fiat, Lancia ou Jeep… l’avenir nous le dira !
A suivre …
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