La passionnante et difficile histoire de Citroën en Amérique
Le marché nord-américain par sa taille a toujours aiguisé les appétits mais réussir à y vendre des voitures n’est pas aussi facile qu’on pourrait l’imaginer. André Citroën s’est pourtant largement inspiré des méthodes de production et des pratiques commerciales en vigueur outre-Atlantique pour asseoir son succès en France. Dès les années 1920 et 1930, la marque au double chevron recourt à un importateur pour écouler des voitures aux États-Unis mais sans grand succès puisque seulement quelques « Front Wheel Drive » – alias Traction Avant – débarquent ainsi en Amérique. Après la Seconde Guerre mondiale, le service Grande Exportation de la marque s’occupe de diffuser les Citroën dans ce pays avec de bien piètres résultats.
Les chiffres de vente demeurent en effet ridiculement bas : 10 voitures vendues en 1949, 13 en 1950, 5 en 1951, 11 en 1952 et 40 en 1953.
L’accueil mitigé de la 2CV et de la DS
En 1952, Michelin, propriétaire du constructeur, pousse Citroën à créer une filiale, la Citroën Car Corporation, basée à New-York, pour promouvoir les véhicules de la marque auprès des expatriés français désireux d’utiliser une Citroën à l’occasion de leurs vacances en France. L’offre destinée à cette clientèle aisée lui permet de disposer d’une voiture à une époque où la location n’existe pas vraiment. Les véhicules étant destinés à l’exportation, ceux-ci sont vendus hors-taxe avec une garantie de rachat ou bien une prise en charge de l’exportation, assurées dans les deux cas par Citroën. Ces voitures circulent alors en France avec une plaque TT. Bien que plus rare de nos jours, ce dispositif est toujours en vigueur.
En février 1956, Citroën dévoile la DS au salon de Chicago, où la voiture étonne. Son avant-gardisme effraie la conservatrice clientèle américaine. En outre, la complexité de son entretien et son manque de fiabilité rebutent les plus audacieux. Les quelques exemplaires vendus le sont essentiellement autour de New York et de Los Angeles. Au même moment, la commercialisation de la 2CV débute outre-Atlantique, une voiture plutôt inadaptée au grand pays que sont les États-Unis, où les conducteurs parcourent fréquemment de longues distances. Les volumes de ventes du constructeur français décollent mais restent faibles pour un tel marché : 1145 Citroën immatriculées en 1958 puis 2364 en 1959 pour tourner ensuite autour des 2000 unités annuelles au cours des années 1960. En 1959, la 2CV est retirée du catalogue nord-américain, tandis qu’en 1961, la gamme DS est complétée par le cabriolet et le break.
La Méhari à la conquête des plages californiennes
Malgré l’échec de la 2CV, Citroën lance l’Ami 6 sur le marché américain pour le millésime 1963. Son petit moteur bicylindre reste pourtant bien éloigné des standards américains. En dépit de cela, le break Ami 6 vient s’ajouter à la gamme en 1966. L’Ami 6 est rayée du catalogue à la fin du millésime 1967. Entre 1956 et 1967, environ 800 2CV et Ami 6 ont été vendues aux États-Unis. Pour le millésime 1968, la DS reçoit une nouvelle calandre à quatre phares fixes, sans vitre de protection, pour se conformer aux normes locales. Fidèle à l’expression jamais deux sans trois, Citroën propose un autre modèle bicylindre en 1969 : la Méhari. Attiré par la mode des buggys, Citroën estime que sa voiture de loisirs peut rencontrer un certain succès sur les plages californiennes. Une puissance trop faible, une qualité insuffisante et des normes toujours plus strictes condamnent rapidement la Méhari qui s’éclipse du marché américain dès 1970 après s’y être écoulée à environ 1000 exemplaires, vendus essentiellement en Californie et en Floride.
Le coupé SM : voiture et échec de l’année 1972
La carrière américaine de la DS s’achève à la fin du millésime 1972. Introduite en 1971, le superbe coupé SM devient alors la seule représentante de la marque au double chevron sur le sol américain. La presse encense la voiture qui reçoit notamment le titre de « Car of the Year » 1972 dans la catégorie « Luxury », décerné par le magazine Motor Trend. Originale et grande routière avec son moteur V6 pouvant être accouplé à une boîte automatique, la SM semble disposer de tous les atouts pour réussir outre-Atlantique. Malheureusement la sophistication du modèle, requérant un entretien pointu sous peine de pannes à répétition, décourage les acheteurs. Citroën décide alors de jeter l’éponge et se retire du marché américain à la fin du millésime 1973. Notons que sur les 12920 SM fabriquées entre 1970 et 1975, 2037 ont été vendues aux États-Unis.
>> A lire : Carte grise de collection, avantages et inconvénients
CX AUTO, suite et fin de l’aventure de Citroën aux Etats-Unis
L’initiative la plus marquante reste cependant celle initiée par deux hommes, un américain et un hollandais, tous deux passionnées de Citroën. Ils fondent CX Auto en 1981 pour commercialiser la CX sur le marché nord-américain. Adaptée aux normes locales de sécurité et de dépollution, la CX séduit une centaine de clients chaque année. Ce n’est pas négligeable pour une entreprise ne disposant d’aucun soutien officiel de la part de Citroën. Ce dernier commence même à s’agacer de ce commerce parallèle et impose que son nom et son logo ne soient plus utilisés par CX Auto à partir de 1988. Cette réaction peut paraître bizarre étant donné que Citroën n’est plus officiellement présent en Amérique du Nord depuis 1977.
Lors du remplacement de la CX par la XM, CX Auto décide d’adapter le nouveau modèle pour en assurer la commercialisation aux États-Unis. Au salon de New York 1991, la XM est dévoilée sur le stand CX Auto mais aussi sur le stand Citroën qui est présent alors que la marque n’a aucun projet de retour sur ce marché.
À partir de septembre 1991, CX Auto débute les livraisons de XM. Les volumes sont encore plus faibles qu’avec la CX en raison du tarif élevé de la voiture. L’importation de la XM par CX Auto cesse définitivement en 1997. Depuis, c’en est fini des Citroën en Amérique…
Vous venez de découvrir l’histoire compliquée de Citroën sur le territoire Américain, et l’histoire de cette marque est définitivement bien différente en fonction des continents où elle est implantée.
A suivre …