Les voitures françaises électriques : une longue histoire…
Les débuts de l’automobile électrique
Depuis quelques années, la voiture électrique alimente les débats les plus vifs autour de son existence : solution pour une mobilité plus respectueuse, opposition avec le thermique, problèmes liés à la recharge et à l’autonomie, produit de masse ou de niche, reconversion de l’industrie automobile… Tant de discussions témoignent d’une situation complexe liée au fait que l’automobile, invention de la fin du XIXe siècle, a bouleversé nos existences et ce, bien qu’elle soit la source de nombreuses nuisances.
Premiers essais et obstacles rencontrés
Et la voiture électrique alors ? Et bien, dès les débuts de l’automobile, ce mode de propulsion était en concurrence avec d’autres énergies telles que la vapeur – produite à partir du charbon – le pétrole ou encore l’alcool. Rapidement, ces avantages sont identifiés : propre, sans odeur, sans bruit, fiable, d’un entretien limité et facile à utiliser. De nombreux constructeurs proposent alors des voitures électriques qui rencontrent un franc succès dans les villes nord-américaines. Pourtant, deux inconvénients majeurs vont avoir raison de la voiture électrique : des tarifs plus élevés que ceux des automobiles thermiques et la problématique de recharge accentuée par une faible autonomie, conséquence d’un poids élevé. Plus d’un siècle plus tard, force est de constater que nous retrouvons ces faiblesses malgré tous les progrès techniques accomplis…
Les pionniers français de l’électrique
En France, nous trouvons alors plusieurs fabricants de voitures électriques : Jeantaud, en activité à Paris entre 1893 et 1906, Kriéger, basé à Courbevoie qui en fabriqua de 1897 à 1908, ou encore Mildé, qui en proposa entre 1898 et 1909, tout en lançant des voitures thermiques à partir de 1904. Au cours des années 1920, les derniers constructeurs de voitures électriques disparaissent. La voiture thermique s’est imposée sur le marché grâce à un meilleur rapport prix/prestations qui résulte des importantes améliorations apportées à ce type d’automobile en deux décennies, quand leurs concurrentes électriques n’ont pas réussi à autant progresser.
Depuis lors, la voiture électrique refait régulièrement surface dans l’histoire tel un serpent de mer. Souvent, elle revient sur le devant de la scène au moment où des difficultés sur le pétrole apparaissent : approvisionnement, hausse des prix ou impact environnemental. C’est ainsi que des voiturettes électriques surgissent pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet, et malgré la pénurie de pétrole, le besoin de se déplacer reste présent. Peugeot lance ainsi en mai 1941 la VLV deux places, qui mesure 2,67 mètres et pèse 365 kg. Sa vitesse maximale est de 30 km/h et son autonomie limitée à 80 km. La VLV est produite entre 377 exemplaires entre mai 1941 et février 1945.
Ensuite, ce sont les chocs pétroliers de 1973 et 1979 qui poussent les constructeurs à reconsidérer la voiture électrique. Avec un peu d’avance sur ces évènements et en collaboration avec EDF, Renault propose une 5 électrique dès le printemps 1972. La voiture pèse 1075 kg, soit 45 % de plus qu’une 5 TL, se limite à deux places – le compartiment arrière servant à loger 34 batteries au plomb –, atteint 60 km/h maximum et affiche une autonomie comprise entre 110 et 175 km. En outre, la durée de vie des batteries est estimée à deux ans d’une utilisation normale. Renault livre 60 voitures aux services de l’État en septembre 1972 suivies de 30 autres en mars 1973. Un nouveau prototype, encore plus lourd avec un poids de 1160 kg, est présenté en juin 1974. L’expérience s’arrête là et ne connaît pas de suite commerciale. À la même période, Peugeot réalise un prototype de 104 fourgonnette électrique mais sans plus communiquer autour de ce projet. En revanche, la marque sochalienne dévoile en 1984 une 205 électrique équipée de 300 kg de batteries nickel-fer logées sous le compartiment moteur. Cette « e-205 » plafonne à 100 km/h et offre une autonomie de 140 km, pouvant être poussée à 200 km en roulant à une vitesse constante de 40 km/h. Les batteries ont une durée de vie de 200 000 km et se rechargent en 10 heures sur une prise 16A. Une vingtaine de voitures sont produites pour mener diverses expérimentations mais la 205 électrique ne sera, en définitive, pas commercialisée.
Les avancées des années 90
Au cours des années 1990, la prise de conscience des problèmes environnementaux est acquise ce qui entraîne la commercialisation en série de plusieurs voitures électriques par les trois marques françaises. En octobre 1990, Citroën lance les utilitaires C15 et C25 électriques au salon de Paris. En septembre 1991, Renault présente un prototype de Clio électrique au salon de Francfort qui aboutira à un lancement en série en octobre 1994 au salon de Paris. En 1995, les Citroën AX, Peugeot 106 et Renault Express électriques débarquent sur le marché, la Citroën Saxo électrique succédant à l’AX en 1997. Ces modèles intéressent surtout les administrations et les collectivités locales. Très peu sont donc achetés par des particuliers en raison d’un prix élevé et des difficultés de recharges. Au final, les chiffres de production se révèlent modestes avec, par exemple, 402 C15 électriques produits entre 1990 et 1994, 636 Clio entre 1995 et 1997 ou encore, le meilleur score, 3 542 Peugeot 106 entre 1995 et le début des années 2000. Au-delà de ces quelques modèles de série, les constructeurs français dévoilent d’intéressants prototypes de voitures électriques au cours des salons automobiles de la décennie 1990 : la Citroën Citela et la Renault Zoom en 1992, la Peugeot Ion en 1994 et la Peugeot Tulip en 1996. Cependant, aucun de ces projets n’aboutit.
Le tournant des années 2010
Après peu d’évolution au cours des années 2000, Renault choisit de frapper un grand coup en lançant la Zoé : une voiture électrique entièrement inédite, non basée sur un modèle thermique existant. Le prototype quasi-définitif est révélé en octobre 2010 au salon de Paris, tandis que le lancement de la version de série a lieu en mars 2012. À l’époque, il n’existe pas encore de contraintes législatives fortes mais Renault croit à l’électrique et met en place des moyens à la mesure de ses ambitions. En 2010, le groupe PSA avait lancé les Citroën C-Zero et Peugeot Ion, des clones fabriqués au Japon de la Mitsubishi i-MIEV, tandis que les BlueCar de Bolloré et Mia d’Heuliez débutaient leur carrière en 2011. Ces deux dernières autos, soutenues par de l’argent public, se révèleront être de cuisant échecs très coûteux pour le contribuable.
Jusqu’en 2020, l’offre n’évolue guère et la progression des ventes, bien que régulière, est plutôt poussive étant donné que la part de marché des voitures électriques ne dépasse pas les 2 % en France. L’année 2020 est celle d’une bascule ! Poussés par le législateur, les constructeurs élargissent fortement l’offre de voitures électriques. On voit ainsi arriver les Peugeot e-208 et e-2008, la Renault Twingo ZE et la Citroën ë-C4.
Perspectives pour l’avenir
Au cours des trois dernières années, le catalogue des constructeurs français en matière de voitures électriques s’est considérablement étoffé. Pionnière et symbole d’innovation chez Renault, la Zoé achève sa carrière en mars 2024 après 426 702 exemplaires produits en 12 ans. Pour mesurer le chemin restant à parcourir, notons que Renault a vendu 4,7 millions de Clio durant la même période et que la marque au losange envisageait des ventes annuelles de 100 000 Zoé… En ce début d’année 2024, la crainte d’avoir atteint un plateau de ventes des voitures électriques à 15-20 % du marché apparaît, tandis que l’offre continue de se développer avec notamment le lancement des Citroën ë-C3 et Renault 5 E-Tech. Ces petites françaises permettront-elles à la voiture électrique de relever les défis qui se dressent encore devant elle pour entraîner un basculement complet du marché ? La réponse nous sera assurément donnée dans les années qui viennent…
A suivre …